Pour cette exposition, Erwan Venn aborde une nouvelle pratique dans le cadre de ses travaux, celle de la peinture de chevalet.
Longtemps distant avec cette technique, pourtant emblématique de l’histoire de l’art, il prolonge son travail de mémoire, déjà exploré dans la série de photographies numériques « Headless ». Il y revisite l’histoire de son grand-père, marchand de vin dans l’est du Morbihan, sympathisant de Breiz Atao, dont le passé, à la fois secret et omniprésent, a profondément marqué son enfance.
Le grand-père d’Erwan Venn reçoit un appareil photographique Kodak en 1918 pour sa communion. Jeune homme à l’époque, cet appareil l’accompagne tout au long de sa vie, immortalisant la vie d’un garçon breton et de sa famille rurale et catholique. On y trouve des photographies de séminaristes des années 1920, de son voyage de noces dans l’Algérie française des années 1930, ainsi que des scènes quotidiennes paisibles et heureuses durant les années 1940.
Dans Le Pays sans lune, une phrase extraite du Cheval d’Orgueil de Pierre-Jakez Hélias, Erwan Venn continue à explorer sa mémoire familiale en présentant deux espaces picturaux distincts.
Le premier espace s’inspire des photographies de son grand-père, encadrées de motifs de papiers peints, un élément visuel récurrent dans son travail. Ces images peintes tentent de porter un regard serein sur les histoires complexes liées aux identités bretonnes. La toile de lin, support de la peinture acrylique, symbolise l’essor breton des XVe et XVIe siècles, lorsque la Bretagne produisait une grande partie des voiles maritimes utilisées par les Portugais, Espagnols et Anglais lors des colonisations des Amériques.
Le second ensemble, intitulé Bretonische Bunkers, traite des vestiges du mur de l’Atlantique et de l’appropriation de ces constructions par la nature. Ces monuments, hérités des traumatismes de la Seconde Guerre mondiale, se fondent dans le paysage comme des espaces mentaux délaissés, nébuleux, fragmentés et contradictoires. Pour Erwan Venn, ce vocabulaire d’architecture militaire constitue une source privilégiée de formes plastiques. Il cherche à y capturer la lumière et le calme, confrontant ces "monstres de béton" à leurs mémoires angoissantes enfouies.
À une époque où les supports numériques prolifèrent et où les images sont souvent oubliées, ces éléments mémoriels — le papier peint souvent disparu de nos murs, les images d’archives photographiques, ou encore les bunkers échoués sur nos côtes — représentent des espaces de mémoire collective et personnelle qui perdurent dans nos esprits.
Ces deux séries de peintures d'Erwan Venn aspirent à offrir un moment de calme et de sérénité, un espace de repos dans nos mémoires familiales et historiques. Par sa pratique de la peinture sur toile, il exprime une forme de réconciliation avec ces mémoires enfouies.